ssoabs - find and lose

Avec François Bucher, Gary Hill, Charlotte Seidel, Apichatpong Weerasethakul
Prologue * Robert Filliou
Médiathèque du FMAC
29.06 – 01.09.2018
find and lose, trouver et perdre, ou plutôt, trouver et aussitôt perdreCette corrélation suppose une situation bien particulière, qui implique de ne pas trouver tout à fait, de s’approcher de quelque chose qui s’éloigne au moment où l’on pensait s’en saisir – qu’il s’agisse d’un rêve, d’un souvenir, d’une pensée dont on a perdu le fil ou dont le sens nous échappe, glisse.

Dans l’exposition plusieurs pièces fonctionnent par éclats, flashs, fulgurances : les images apparaissent et disparaissent en alternance. Comme une mise en abyme du fonctionnement de la vidéo, les dispositifs utilisés dans ces œuvres mettent en avant des parties d’un tout, celles-là même qui rendent la vision possible (lumière, mise au point). Élément essentiel de la vidéo (et plus largement de la photographie et du cinéma), la lumière est ce qui fixe l’image (sur un film ou de manière électronique) et qui permet également de la diffuser (via le faisceau du projecteur ou les LED d’un écran par exemple).
La captation du réel dans la vidéo introduit quant à elle une discontinuité entre le temps et l’espace : c’est un temps défini (et aussitôt passé) qui est enregistré, dupliqué, puis disponible pour être rejoué à l’infini. En cela, les vidéos conservées à la Médiathèque du FMAC constitueraient une collection de moments fragmentaires en attente d’être activés.

find and lose marque la fin de la programmation ssoabs, et pourrait signifier l’affirmation de quelque chose d’incertain, des réalités instables, malléables, souples, qui connaissent plusieurs états ou formats potentiels. Au lieu de tenter de conclure par un statement définitif, cette exposition postule que la recherche n’est de loin pas terminée et que ce que l’on croit comprendre évolue en fonction des contextes. Ainsi la perception du réel et les récits de l’histoire, mais aussi l’histoire de la vidéo, que l’on a beaucoup abordés lors des précédentes expositions et interférences, ne peuvent être ni absolues, ni univoque

s. Si l’on peut considérer que le savoir se constitue à partir de fragments épars que l’on tisse et relie entre eux, la forme fragmentaire peut également s’affirmer comme telle, formant des unités indépendantes, qui résistent à l’inclusion dans un tout plus global. Dans un article publié à l’occasion du projet de la Revue Internationale en 1960, Maurice Blanchot propose une définition de l’écriture fragmentaire : « […] toute littérature est le fragment, qu’elle soit brève ou infinie, à condition qu’elle dégage un espace de langage où chaque moment aurait pour sens et pour fonction de rendre indéterminés tous les autres ou bien (c’est l’autre face) où est en jeu quelque affirmation irréductible à tout processus unificateur[1]. »

Ainsi exposer des œuvres dans un espace défini, activer des pièces en attente : la pratique de l’exposition pourrait être comprise comme un agencement de fragments, chacun se suffisant à lui-même mais participant dans cette configuration à une écriture collective dont les échos ouvrent des potentiels de réflexion.

[1] Maurice Blanchot, Écrits politiques, 1958-1993, Paris, Gallimard, 2008, p. 112
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